Le concept de sancai – sān cái – 三才 (sān 三 trois – cái 才 talent ) signifie littéralement « les trois pouvoirs » ou « les trois capacités ». Il désigne une triade fondamentale dans la pensée chinoise traditionnelle :
- tiān – 天 : le Ciel – les forces célestes, le destin, le temps, les cycles cosmiques
- dì – 地 : la Terre – l’environnement, les ressources, le lieu, la matière
- rén – 人 : l’Homme – la volonté humaine, les actions, les choix, l’éthique
Ces trois dimensions représentent les trois niveaux de l’univers en interaction. Le Taoïsme les considère comme les piliers de l’harmonie du monde, mais aussi de l’équilibre personnel.
Le sancai est un outil d’observation et d’évaluation, une boussole de sagesse.
Chaque fois qu’on cherche à comprendre une situation ou à faire un choix, on peut la regarder à travers ces trois aspects :
1. 🌌 Le Ciel (Tiān) – Qu’est-ce qui ne dépend pas de moi ?
- Le climat (au sens littéral ou symbolique)
- Le temps, les tendances, les cycles naturels
- Les événements extérieurs, le destin
En prise de décision : reconnaître les choses que je ne peux pas contrôler, et les intégrer sans résistance. Par exemple : Est-ce le bon moment ? Les conditions générales sont-elles favorables ?
2. 🌍 La Terre (Dì) – Quel est mon terrain ?
- Mon environnement physique et social
- Les ressources disponibles
- Les contraintes concrètes
En prise de décision : évaluer les conditions matérielles et logistiques. Ai-je les moyens ? Le lieu est-il adapté ? Y a-t-il un appui solide pour agir ?
3. 🧍 L’Homme (Rén) – Quelle est ma part de choix ?
- Mon intention
- Ma clarté d’esprit
- Ma vertu, mes valeurs, mes capacités
En prise de décision : interroger ma volonté, mes motivations profondes, et mon éthique. Est-ce juste ? Est-ce aligné avec ce que je suis ? Suis-je prêt à en assumer les conséquences ?
Comment le sancai aide à la prise de décision ?
Le sancai – sān cái – 三才 nous pousse à ne pas agir de façon impulsive ou unilatérale, mais à considérer les trois dimensions de la réalité avant de décider. Cela permet de :
- Clarifier une situation complexe
- Éviter les erreurs dues à un regard trop partiel
- Agir avec plus de lucidité, d’efficacité et d’harmonie
Le sancai – sān cái – 三才 nous apprend à agir avec le Tao – dào – 道, c’est-à-dire avec fluidité, conscience, et équilibre. Il nous rappelle que nos décisions ne doivent pas être prises en contradiction avec le monde, mais en harmonie avec les lois du Ciel et de la Terre, et en fidélité à notre nature humaine.
« L’homme suit la terre, la terre suit le ciel, le ciel suit le Dao. »
Laozi, Dao De Jing, chapitre 25
Exemples d’application du sancai dans la prise de décision
Situation : Je veux changer de travail.
- Ciel (Tiān) : Le marché de l’emploi est-il favorable maintenant ? Y a-t-il des tendances dans mon secteur ?
- Terre (Dì) : Ai-je les bons contacts ? Est-ce que mon lieu de vie permet ce changement ?
- Homme (Rén) : Pourquoi je veux changer ? Est-ce une fuite ou un mouvement juste ? Suis-je prêt à faire les efforts nécessaires ?
La chance de l’Homme et le libre arbitre dans le sancai
Dans la pensée taoïste, l’être humain n’est pas un simple jouet du destin, ni un maître tout-puissant de sa vie. Il évolue entre deux grands pôles : les forces du Ciel (destin, influences célestes, cycles cosmiques) et les forces de la Terre (lieux, environnements, ressources, contraintes). Ce sont deux forces supérieures, non contrôlables.
➤ Le Ciel détermine le moment propice ou non. C’est la synchronicité ou non du moment.
➤ La Terre détermine si l’espace est favorable ou non.
En les observant, comprenant et respectant, nous pouvons nous conformer au mouvement ou le contourner avec habileté — comme un marin lit les vents et les courants.
La troisième force, celle de l’Homme (人), c’est notre capacité à choisir, agir et transformer notre destinée, dans les limites du Ciel et de la Terre. C’est là que se trouve le libre arbitre, que le Taoïsme ne nie pas, mais qu’il situe dans un contexte de contraintes cosmiques et terrestres. Le Taoïsme ne dit pas « tout est écrit » ni « tout est possible ». Il dit : « Ton potentiel dépend de ta capacité à danser entre le Ciel et la Terre. » Ce champ d’influence est ce qu’on appelle le mouvement de l’Homme, ou la chance de l’Homme (人之运, Rén zhī yùn).
L’Homme avisé utilise des outils pour naviguer
Dans cette perspective, les arts taoïstes offrent des outils d’aide à la prise de décision ne sont pas des oracles figés, mais des outils de lecture du Ciel et de la Terre, pour que l’Homme agisse au bon moment, au bon endroit, avec une intention claire. Ces outils permettent de voir plus clair dans les influences célestes et terrestres, afin de réduire les erreurs, éviter les contretemps, et agir avec fluidité, comme le Tao – dào – 道, nous y invite. Dans cette vision :
- Tu ne contrôles pas le vent (Ciel), ni les vagues (Terre).
- Mais tu choisis la direction, la voile, et le moment où tu lèves l’ancre (Homme).
chéngfēngpòlàng – 乘风破浪 – chevaucher le vent et braver les vagues
Le sage taoïste n’agit ni trop tôt, ni trop tard ; il agit au moment propice, parce qu’il s’est accordé aux rythmes du monde. C’est cela, la véritable liberté dans le Tao – dào – 道 : non pas faire ce qu’on veut, mais vouloir ce qui est en harmonie.
